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Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/253

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ses visites étaient devenues moins fréquentes et miss Ada avait fini par ne plus le rencontrer.

Nous avons dit par quel sentiment de défiance contre lui-même le bel Hindou s’était éloigné et évitait de se trouver avec celle qu’il ne voulait pas aimer.

La fille de sir Arthur avait été très-affectée de cette brusque rupture, et après en avoir cherché vainement les causes, elle avait chargé sa femme de chambre Sabee, jeune et jolie Mahratte qui avait toute sa confiance et qui l’adorait, de lui rendre compte des faits et gestes du fugitif.

Sabee lui avait appris alors que Nadir vivait très-retiré, ne voyant que Moura-Sing et Romanshee, et tout entier, disait-on, à quelque œuvre mystérieuse qu’elle n’avait pu découvrir.

Depuis cette révélation, miss Ada ne sortait plus de son hôtel et passait toutes ses soirées sous les grands arbres du parc, rêvant toujours à celui qu’elle ne pouvait oublier.

C’est là qu’elle se trouvait, à demi-couchée sur un banc de mousse dissimulé par des bouquets d’aloès, au moment où Moura-Sing faisait ses adieux à son ami, lorsqu’elle entendit tout à coup prononcer à quelques pas d’elle le nom de Nadir.

Elle prêta l’oreille et reconnut la voix de sir Arthur.

Le colonel s’entretenait avec le gouverneur d’Hyderabad, sir William Dudley.

— Il faut en finir, mon cher colonel, disait ce dernier ; je n’ai pas encore de preuves du complot, mais il est hors de doute pour moi que le brahmine Romanshee prépare un soulèvement dans la province. Je le fais surveiller depuis un mois et j’ai pu intercepter deux courriers qui lui étaient envoyés du Nord. Le mouvement du Dekkan doit coïncider avec celui des Sicks. Un de ces courriers apportait un ordre de ralliement. Je parierais qu’il est question de quelque bhili, ou réunion de ces misérables Étrangleurs que nous croyions à tort disparus à jamais.

— Qu’avez-vous décidé ? demanda sir Arthur à son interlocuteur.

— D’abord d’arrêter Romanshee et les principaux brahmines de la pagode de Vischnou, car ce sont toujours ces prêtres maudits qui sont à la tête de toutes les insurrections, et ensuite de nous assurer de Nadir.

— De Nadir ?

— Oui, Romanshee l’aime trop pour ne pas lui avoir réservé un rôle de premier ordre dans toute cette affaire. Lequel ? je l’ignore, mais je me méfie de ce rêveur, à qui le père de Moura-Sing me paraît avoir légué toute la haine de sa race pour nous. Lorsque je le saurai dans un bon cachot de la citadelle, je serai plus tranquille ; et vous aussi, mon cher