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Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/311

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Lorsqu’il crut l’instant favorable, il souleva Nadir avec l’aide de Roumee, et l’assit le dos à la muraille et la tête soutenue par des coussins.

La fille de sir Arthur ne savait à quelle opération mystérieuse elle assistait.

Quant à Sita, elle semblait avoir oublié l’étrangère. Ses yeux, fixés sur le corps de son fiancé, n’exprimaient plus qu’un bonheur ineffable.

Le regard de Nadir, quoiqu’il fût toujours fixe et droit, s’était fait intelligent, presque interrogateur.

Ses lèvres, par un mouvement lent et automatique, se levaient et s’abaissaient.

Ses mains, que les deux femmes avaient prises dans les leurs, n’étaient plus glacées. Il sembla à chacune d’elles qu’une imperceptible pression répondait à leur étreinte.

Soudain, sa poitrine se souleva et sa bouche entr’ouverte laissa échapper un long soupir.

Elles n’en pouvaient plus douter : Nadir vivait encore. Nouveau Lazare, il s’échappait de son tombeau !

La mort n’avait pas voulu de lui, ou il avait vaincu la mort.

Bientôt, en effet, les signes du retour de l’Hindou à la vie devinrent plus évidents, plus manifestes.

Il sortait lentement, mais progressivement, d’une façon certaine, de l’état cataleptique qui, pour tous, avait été la mort ; état qu’il avait provoqué probablement sur lui-même par un de ces mystérieux moyens dont certaines castes hindoues ont le secret.

Bientôt, avec l’aide du brahmine, il leva la tête et porta à son front ses mains amaigries.

Il le pressait entre ses doigts crispés, comme pour y rappeler la mémoire, en faire jaillir la volonté.

Enfin il s’assit lui-même sur sa couche mortuaire, et ses regards allèrent alternativement de l’une à l’autre des deux femmes, pour s’arrêter sur Sita avec une expression indéfinissable de stupeur.

— Sita ! murmurèrent enfin ses lèvres, Sita !

Et il referma les yeux, pensant sans doute qu’il était le jouet d’un songe et qu’il ne vivait plus, puisqu’il revoyait celle qu’il croyait morte.

Mais cette hésitation ne pouvait être de longue durée : l’Hindoue s’était agenouillée devant le ressuscité et couvrait ses mains de baisers.

— Sita ! répéta-t-il en rouvrant les yeux.

— Oui, Sita, dit la jeune femme, Sita dont tu as douté, Maître, et qui a trouvé sa place auprès de toi prise par une étrangère.

— Je te croyais morte.

— J’étais morte pour tous, Nadir, parce que je voulais vivre désormais à