Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/34

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exceptés, tu peux détruire la race humaine tout entière, elle t’est livrée. J’ai fini, maintenant tu es Thug ; ce qui te reste à apprendre te sera enseigné par le gooroo de la troupe où tu vas entrer. Sois béni, et que Kâli te protège, tu deviendras un grand de notre race ! »

« Il avait dit vrai, car, deux ans plus tard, je commandais cette même troupe dont j’étais le plus jeune, et quatre réunions annuelles ne s’étaient pas tenues que j’étais élevé au rang suprême de Jemadar.

— Quel était le chiffre des Thugs réunis à cette première époque dans les forêts du Malwa ? demanda lord Bentick.

— Huit cents à peu près, composant une douzaine de bandes, répondit Feringhea.

— Et la dernière réunion ?

— Nous étions plus de dix mille.

— Êtes-vous entré immédiatement en fonctions ?

— Peu de jours après ma réception, la troupe dont je faisais partie fut dirigée vers le Sud, et mon courage fut mis à l’épreuve. C’est l’habileté que je montrai en cette occasion, malgré ma jeunesse, qui me valut les honneurs et le respect de mes frères.

— Dites-nous dans quelles circonstances fut accompli votre premier meurtre.

— Notre chef, Budrinath, résolut, en quittant la forêt, de se rendre à Nagpour, où il avait de nombreuses relations et où il devait lui être facile de vendre pour un bon prix le butin fait dans des expéditions précédentes. Afin de ne pas éveiller les soupçons, il divisa sa troupe en deux bandes, qui, en suivant deux chemins parallèles, devaient se rejoindre sur les bords d’un lac situé à un mille de la ville.

« Quelques jours plus tard, nous étions réunis et formions notre campement, pendant que Budrinath et Ali, nos deux chefs, accompagnés des sothaces, qui passaient pour leurs domestiques, allaient demeurer en ville afin de vendre le butin et de chercher de nouvelles victimes.

« Dans une des transactions avec un sahoukar (marchand), Budrinath lui laissa comprendre qu’il se rendait à Hyderabad avec des hommes qu’il amenait de son village, dans l’espoir de leur obtenir des emplois militaires sous les ordres de son frère, au service du prince régnant, Sikurdur-Jah.

Le sahoukar était une proie facile, car, venant au-devant du désir de notre chef, il lui demanda la permission de nous accompagner, en promettant de récompenser convenablement les maîtres et les gens, s’ils voulaient le protéger sur sa route.

« — Depuis longtemps, ajouta-t-il, j’avais l’intention de me rendre à Hyderabad, mais je savais les routes peu sûres, et je n’aurais jamais osé