Aller au contenu

Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/462

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ce genre, il avait fini par se convaincre que c’était pour son compte personnel qu’il courait ainsi les plus affreux quartiers, soit dans un but d’étude, soit pour l’accomplissement de quelque œuvre mystérieuse dont il avait cherché vainement à se rendre compte.

Cependant le hasard avait fini par les réunir si souvent tous les deux dans des endroits les plus improbables, que le docteur Harris était décidé à profiter de la première occasion qui lui serait offerte pour demander franchement une explication à son inconnu, lorsque justement il se trouva en sa présence, alors qu’il croyait n’être allé chez le comte de Villaréal que pour les soins de son ministère.

Puis, dans cette courte entrevue, ces deux hommes, ainsi que nous l’avons vu, marchèrent, à l’égard l’un de l’autre, d’étonnements en étonnements, comme si, par quelque coïncidence dont ils ne pouvaient encore se rendre compte, le destin eût décidé qu’ils devaient s’unir dans une même pensée.

Le docteur était sorti de l’hôtel de Bedford square pénétré de l’importance qu’il y avait pour lui à gagner la confiance de l’étranger.

Il lui avait envoyé alors ce curieux manuscrit où Villaréal avait pu lire l’infamie de ce colonel Maury qu’il paraissait tant haïr, et, après avoir fait quelques visites, il était rentré chez lui vers onze heures, afin d’attendre le comte qui lui avait donné rendez-vous à minuit.

Il ne s’en fallait que de quelques minutes que cette heure fût arrivée, lorsqu’il entendit sonner à sa porte.

Pensant que c’était l’étranger, il s’était avancé jusque dans son antichambre ; mais là il se trouva en face de Yago, qu’il reconnut immédiatement, non-seulement parce que celui-ci l’avait introduit auprès de madame de Villaréal, mais encore parce qu’il l’avait souvent rencontré en compagnie de son maître.

Au signe que lui fit le domestique, Harris comprit qu’il avait à lui parler en secret et il l’introduisit dans son cabinet de travail.

— Docteur, lui dit Yago, dès qu’ils furent seuls, monsieur le comte n’a pas oublié le rendez-vous qu’il vous a donné, mais il vous serait reconnaissant de vouloir bien venir le prendre à l’hôtel. Il s’excusera lui-même. Il m’a chargé de vous accompagner ; sa voiture est en bas.

Cela était parfaitement indifférent à Harris de se rendre chez Villaréal ou de le recevoir chez lui.

Un instant après, il montait dans la voiture de l’étranger, petit coupé noir sans chiffre ni armoiries, et il se dirigeait vers Bedford square en remontant Drury lane, où demeurait le docteur.

Seulement, à l’étonnement d’Harris, après avoir traversé Russell street, puis la place, la voiture continua sa course pour s’arrêter à deux ou trois cents