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Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/507

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vous fait supposer que c’est ce Villaréal qui en est l’auteur ? Je comprendrais encore de sa part un attentat contre les fils de sir Arthur, mais contre M. Edgar Berney, pourquoi ?

— Parce que le fils de M. Berney était l’amant de Saphir que Villaréal entretenait. Par jalousie sans doute il a voulu s’en défaire.

— Comment, l’amant de cette Saphir qui fait si grand bruit depuis six mois ! Mais vous me disiez qu’il avait enlevé miss Ada Maury.

— Peut-être a-t-il cessé d’aimer miss Ada, ou peut-être Saphir n’est-elle entre ses mains qu’un instrument, car je dois dire encore à Votre Honneur que Nadir, selon moi, poursuit ici un double but. Si j’en crois ce qui se dit partout aux Indes, depuis le procès des conspirateurs d’Hyderabad, cet Hindou, qu’on prétend le fils de Feringhea, devait jouer le rôle d’une espèce de prophète et prêcher la révolte dans nos possessions asiatiques. N’est-il pas permis de supposer que, ses projets avortés, il ait voulu faire de l’Angleterre son champ de bataille ? Vous allez me trouver bien hardi d’émettre une opinion sur des choses que vous savez mieux que moi, mais je suis poursuivi par cette idée fixe que le comte de Villaréal, comme il se fait appeler, n’est pas étranger à ces attentats nocturnes dont Londres est le théâtre depuis plusieurs mois. Ces attentats, vous l’avez remarqué, sont commis à l’aide d’un procédé d’étranglement absolument hindou.

— C’est vrai.

— De plus, je le crois un des chefs occultes du fenianisme.

— D’où vous vient cette pensée ?

— De ce qu’il est connu d’un misérable tavernier de Star lane, qui l’a vu plusieurs fois dans son établissement, en compagnie des gens les plus mal famés et déguisé en matelot.

— Vous avez peut-être raison, sir George, mais que faire ?

— Que faire ? M’autoriser comme policeman à pénétrer dans l’hôtel de Bedford square pour y arrêter Villaréal.

— Y pensez-vous ? Ne savez-vous pas qu’en Angleterre le domicile est inviolable, et ne connaissez-vous pas l’acte du Parlement de 1769 sur l’habeas corpus, qui, hors du cas de flagrant délit, ne permet d’arrêter personne sans une plainte appuyée de preuves irrécusables ou sans un commencement d’instruction ?

— C’est vrai, mylord ! C’est alors à mon tour de vous demander : Que faire ?

— Il faudrait d’abord interroger ce tavernier. Quel homme est-ce ?

— Je l’ignore, mais il paraît craindre singulièrement d’être mis en présence de Votre Honneur.

— Alors il parlera. Vous aurez la complaisance de me l’envoyer. Je lui promettrai l’impunité pour ses méfaits passés. Et cette Saphir ?