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Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/510

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De plus encore, chacun de nos deux personnages était préoccupé d’intérêts absolument personnels.

Le comte, instruit par Yago de l’incident Bob, avait flairé là un piège et un danger, sans supposer toutefois que le tavernier oserait tenter, vu ses antécédents, des rapports même les plus indirects avec le chef de la police.

C’était compter, nous n’oserions dire sans les désirs de l’ex-convict de devenir honnête, mais sans sa colère et son amour de l’argent.

Villaréal avait bien fait chercher Bob ; mais on ne l’avait pas trouvé dans son honorable établissement de Star lane ; ce qui s’explique assez, puisqu’il avait établi son quartier général sous les ombrages de Bedford square.

Quant au docteur, depuis qu’il avait retrouvé sa fille et courbé le front devant lady Maury, il n’était plus le même. Il semblait vivre surtout, non pour cette œuvre sociale à laquelle il avait voué sa vie, mais pour cette vengeance que Villaréal lui avait annoncée comme prochaine.

Cependant, malgré ces préoccupations constantes, Harris n’avait pas commis la lâcheté d’abandonner les malheureux qu’il avait poussés en avant, et il était parvenu, grâce aux nombreux amis que lui avait conquis son ministère, à faire mettre en liberté la plus grande partie des ouvriers de M. Berney.

Ses efforts étaient restés inutiles à l’égard de trois de ces hommes : James, Welly et Cromfort.

Dès le surlendemain des événements que nous avons racontés, l’instruction de l’affaire avait été ouverte, et on se souvient que le document principal de cette instruction était le rapport dans lequel le pauvre James, grâce à M. Berney lui-même, était compris dans la même accusation de vol que les deux misérables dont la fatalité et la haine aveugle du manufacturier le faisaient le complice.

Lorsqu’elle fut au courant du danger que courait celui qui l’avait deux fois sauvée et qu’elle aimait, miss Emma se jeta aux genoux de son père ; mais celui-ci fut inflexible.

Il ne voulut voir dans les prières de sa fille qu’une preuve de plus de son amour pour James ; et quand, quelques jours plus tard, il se laissa émouvoir par les larmes de madame Davis et de Mary, il était trop tard ; le malheureux jeune homme était déjà renvoyé par le jury d’accusation devant la cour centrale criminelle ainsi que Cromfort et Welly.

Pour sauver James, il eût fallu que M. Berney démentît le rapport qu’il avait signé et les dépositions qu’il avait faites.

Furieux de la perte de sa fortune, car l’incendie de son usine l’avait à peu près ruiné, et de la disparition de son fils, le manufacturier n’eut pas le courage de faire ce que l’honneur lui commandait.

Pour chasser de son esprit tout remords, il s’efforça de se persuader que