Aller au contenu

Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/514

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne se dissimulait pas qu’elle était la cause première de la perte de son frère.

Miss Emma seule avait conservé quelque courage.

Surexcitée par son amour, elle espérait encore dans le recours en grâce qui avait été adressé à la reine.

Ce fut elle qui introduisit la mère et la sœur de James dans la prison.

Après avoir passé sous une voûte basse et franchi deux grilles, les trois infortunées, conduites par un guichetier, tournèrent à gauche et gravirent un large escalier de pierre qui les mena au premier étage, où se trouvait le bureau du directeur de Newgate.

La fille de M. Berney marchait la première.

Lorsque, arrivée dans l’antichambre qui précédait ce bureau, elle la parcourut du regard, elle ne put retenir un cri d’horreur.

Sur un large rayon, qui faisait le tour de cette pièce, se trouvaient vingt têtes de suppliciés dont les bouches grimaçantes semblaient entr’ouvertes par une dernière malédiction et qui les regardaient de leurs yeux morts.

Au cri de miss Emma, mistress Davis et Mary, qui marchaient absorbées dans leur douleur, levèrent les yeux, et elles se sentirent également saisies d’effroi à la vue de cette horrible exhibition.

Il y avait, là sur ce rayon lugubre, espèce de pilori posthume, et reproduites à la cire, c’est-à-dire avec une ressemblance frappante, les têtes de derniers condamnés célèbres : celle de Muller, l’assassin, auprès de celle de la fille Manning, la tueuse d’enfants, ce monstre que le peuple avait surnommée la faiseuse d’anges ; celle de Maxwell, le parricide, auprès de celle de Barrett, le fenian.

Heureusement que le guichetier qui conduisait les trois femmes les arracha à cet épouvantable spectacle en les introduisant dans le cabinet du directeur de Newgate, à qui il les avait annoncées.

Miss Emma, déjà revenue à elle, grâce à la fièvre qui la soutenait, expliqua à ce fonctionnaire le motif de sa visite et lui remit l’autorisation de sir Richard Mayne.

Quelques instants après, elles se trouvaient toutes trois au rez-de-chaussée de la prison, dans une cour séparée et à la porte d’une cellule isolée qui était celle de James.

Le malheureux avait déjà été transféré dans le cachot des condamnés à mort.

Au bruit des verrous que tirait le gardien, auquel l’ordre du directeur avait été communiqué, mistress Davis fut obligée de s’appuyer contre le mur.

Lorsque la porte de la cellule fut ouverte, sans les bras de James qui s’étaient tendus vers elle pour la recevoir, la pauvre mère se serait affaissée sur le sol.