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Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/78

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« Avant de terminer ce rapport, je tiens à remercier les officiers et les soldats qui ont opéré sous mes ordres.

« Je dois à leur courage et à leur énergie le succès de cette première expédition ; ils sont tous recommandables pour les services qu’ils ont rendus ; mais je dois signaler à la faveur particulière du général commandant en chef les troupes de Madras le sous-officier Swift qui, deux fois, nous a préservés de grands dangers, et les lieutenants Marsy, Addison et Paterson, qui ont tiré le meilleur parti des situations périlleuses où ils se sont trouvés.

« Quant à sur Edward Buttler, qui a dû tant souffrir de se trouver en face des assassins de sa famille, je dois aussi rendre hommage à son dévouement et à son énergique concours.

« Signé : Capitaine Sleeman. »

Les accusés avaient écouté ce curieux rapport sans avoir l’air de le comprendre, sauf quelques-uns cependant : Hyder-Ali et le brahme entre autres.

Le premier, lorsque le greffier était arrivé à la mort de lady Buttler, n’avait pu s’empêcher de jeter un regard de haine du côté du colonel ; l’autre semblait vouloir éveiller l’indulgence de la cour par son attitude calme et recueillie.

Feringhea, les bras croisés sur sa poitrine, avait paru prendre le plus grand intérêt à tout ce qui avait été dit, mais, malgré l’empire qu’il avait sur lui-même, il n’avait pu retenir un tressaillement à l’épisode du suttee (sacrifice d’une femme sur un bûcher), qui probablement avait réveillé en lui quelques souvenirs lointains.

Quant à la foule, elle n’avait pas perdu un mot de ce récit ; elle avait su contenir son émotion, mais elle déborda dès qu’il fut terminé.

Le tumulte devint bientôt si grand que le président, prenant aussi en considération la fatigue de la cour et l’heure avancée, leva la séance après avoir donné l’ordre de reconduire les accusés.

Leur interrogatoire et la déposition du malheureux sir Edward devaient avoir lieu le lendemain.

Il fallut pour ainsi dire employer la force armée pour faire évacuer la salle, ceux qui s’y trouvaient ne parlant de rien moins que d’y rester jusqu’au jour suivant, tant ils avaient peur de ne pas entendre en entier le récit de ce drame, où avaient succombé les parents et serviteurs du colonel Buttler dans les circonstances les plus horribles.