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Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/217

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magistrat de l’ordre judiciaire ne se donnerait le ridicule de constater ses écarts, il a toujours le droit de poursuivre sa femme pour adultère et de la faire condamner à la prison, au nom de la morale.

Ce n’était pas toutefois au nom seul de cette morale outragée que M. de Tiessant avait fait cette démarche auprès de M. Noblet ; c’était surtout parce qu’il devait se réinstaller à Paris, où l’irrégularité de l’existence de sa fille serait une humiliation incessante pour lui, et aussi, il le craignait, un obstacle à la réalisation de ses projets.

En se souvenant de l’obéissance passive de son gendre, deux années auparavant, le pamphlétaire était parti convaincu qu’il en serait encore de même. Il s’était trompé du tout au tout.

Redevenu l’homme flegmatique d’autrefois, le libraire de Coventry s’estimait heureux d’avoir retrouvé le calme. Ses affaires prospéraient, son fils se portait à merveille ; cela lui suffisait. Il ne se rappelait le passé que pour regretter la cruauté dont il avait usé envers sa femme, et il regrettait peut-être sa femme elle-même, car, lorsque le sang-froid lui était revenu, il avait douté de sa culpabilité. Il tenait beaucoup, par conséquent, à ne pas recommencer la lutte.

Il reçut donc fort mal les plaintes de M. de Tiessant. Celui-ci eut beau s’aider de toute son éloquence, prononcer un véritable réquisitoire contre l’épouse cyniquement adultère une seconde fois, tenter de faire vibrer dans l’âme de M. Noblet la rancune, la