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Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/256

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Or, c’était son rêve de se montrer dans ces rôles qu’elle avait vu jouer, qu’elle avait tous appris, qui permettraient de la juger complètement, et la ramèneraient bien vite, si elle réussissait, et elle avait la conviction de réussir, sur une grande scène parisienne.

Après avoir consulté ses amis et les auteurs qui s’intéressaient à elle, Mlle de Tiessant choisit Bordeaux ; mais avant de rien signer, elle fit part de son projet à Ronçay, qui, à la pensée que sa maîtresse allait le quitter pendant des mois entiers, fut pris d’un véritable accès de désespoir. Elle ne parvint à le calmer un peu et n’obtint son autorisation qu’en lui disant :

— Cette séparation ne m’est pas moins douloureuse qu’à toi, mais elle est nécessaire, indispensable même, parce qu’elle mettra fin à nos épreuves. À Paris, vois-tu, je végéterais pendant des années entières. Toutes les places y sont prises par des artistes de talent ou par des femmes que leurs liaisons légitimes ou autres rendent inamovibles dans certains théâtres, dont elles ferment impitoyablement la porte aux jeunes. Il faut donc que je parvienne en quelque sorte à m’imposer par la réputation que je me ferai soit à l’étranger, soit en province. Mais comme vivre loin de toi ne serait pas vivre, si cela devait durer, je ne te demande que deux ans d’épreuve. Si dans deux ans je ne suis pas devenue ce que je veux être, si je ne suis pas engagée sur une des premières scènes de Paris, dans des conditions