Aller au contenu

Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/381

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le créole pensa qu’il avait mal entendu et se rapprocha vivement de Bernel, comme pour lui demander en même temps protection et une explication. Mais le docteur, lui, avait bien compris, d’autant mieux que la personne qui accompagnait Me Dufray avait ouvert son vêtement pour laisser voir l’écharpe qu’elle portait autour de la taille. C’était M. Deltombe, commissaire de police du canton. Aussi répondit-il vivement à Gilbert :

— Mon pauvre ami, c’est une dernière épreuve que les conventions sociales t’envoient.

— Et je dois me soumettre ?

— Il le faut ! Tu n’étais pas le mari de Mlle de Tiessant.

— Comment, vivante on ne pouvait me l’enlever et maintenant !… Tu vois bien qu’elle n’avait pas le droit de mourir !… Oh ! je refuse, je refuse ! On ne me l’arrachera que par la force ! Éva, mon Éva !

Et il se précipita sur la bière, restée découverte, comme pour reprendre possession de la morte.

D’un bond le docteur le rejoignit et l’emportant dans ses bras vigoureux, il lui dit :

— Mon ami, mon frère, je t’en conjure, du courage ! Par respect même pour la mémoire de la bien-aimée, ne fais pas de scandale. Nous ne serons jamais les plus forts contre la loi !

Et faisant signe aux employés des Pompes funèbres de mettre fin à cette scène douloureuse en fermant le cercueil, il s’efforçait, avec l’aide de Pierre, de maintenir Ronçay, dont la colère décuplait les forces.