Aller au contenu

Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais cette condamnation, au-devant de laquelle il était allé, tête baissée, voulant sans doute prouver orgueilleusement que son fouet de Juvénal n’épargnait personne, Tiessant l’avait si bien prévue que, quand on vint pour l’arrêter dans son luxueux appartement de la rue de Lille, il était déjà en Angleterre.

Les agents de la Sûreté ne trouvèrent chez lui que sa femme et ses filles en larmes. Son fils Robert, sorti de Saint-Cyr depuis peu, l’un des premiers de sa promotion, avait été envoyé à Rome, dans l’un des régiments que la France y entretenait à cette époque, pour la défense des États de l’Église.

Ce dénouement fatal fut un véritable coup de foudre pour Mme de Tiessant. Elle n’ignorait aucun des procès que son mari avait eus depuis plusieurs années ; elle l’avait vu souvent quitter le domicile conjugal pour passer de longues semaines en prison ; mais, néanmoins, elle croyait à ce point en lui et avait une telle admiration pour son talent, qu’elle n’avait jamais supposé qu’il succomberait un jour si complètement, tout à la fois devant la justice et devant l’opinion publique.

Le réveil fut donc terrible pour la pauvre femme ; les amendes et les dommages et intérêts auxquels était condamné le pamphlétaire s’élevaient à un chiffre énorme, bien supérieur à ce que tout le ménage possédait. Elle n’eut que le temps de mettre à l’abri chez sa sœur, Mme Bertin, ce qu’elle put enlever de son appartement : quelques tableaux, l’ar-