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Page:Renan - Ecclesiaste - Arlea.djvu/115

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leurs harmonieuses mélopées. Il s’agissait de calquer en français des sentences conçues dans le ton dégagé, goguenard et prudhomme à la fois de Pibrac, de Marculfe ou de Chatonnet, de produire une saveur analogue à celle de nos quatrains de moralités ou de nos vieux proverbes en bouts-rimés. La rime est, après tout, la jonglerie qui ressemble le plus au procédé de Cohélet, à ces mots lancés en l'air, retombant, rattrapés avec une prestesse vertigineuse. Il m’a été impossible de faire comprendre autrement le tour funambulesque de certaines boutades transcendantes, surtout du morceau sur la vieillesse, sorte de joujou funèbre qu’on dirait ciselé par Banville ou Théophile Gautier, et que je trouve supérieur même aux Quatrains de Khayyâm. Pour le reste de l’ouvrage, j’ai cru, au moyen de petits couplets, touchant d’un côté à la platitude, de l’autre à la gaudriole, allant de La Palisse à Pibrac, j’ai cru, dis-je, être dans le ton de mon original, tour à tour éloquent et ironique, sérieux et railleur. C’est en pareil cas que l’on sent combien la traduction littérale peut être là pire des trahisons. Voilà un morceau de haute volée littéraire, dénué de toute intention dogmatique, que vous traduisez pédantesquement en lourde prose de théologien, pour la plus grande satisfaction des scolastiques. Quel amer contre-sens ! Autant vaudrait tourner Béranger en homélie, ou mettre les Sermons de Bossuet en madrigaux.


En somme, le livre Cohélet, tel qu’il sort des vigoureux