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Page:Renan - Ecclesiaste - Arlea.djvu/87

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nel devant Dieu, c’est diminuer Dieu, c'est placer hors de lui des êtres indépendants de lui.

Jusque-là, le système est vrai et logique. Le point où le Sémite s’engage dans d’insolubles difficultés, c’est quand il affirme, non seulement que Dieu est grand, mais qu’en même temps il est juste, qu’il commande le bien et défend le mal, récompense le bien, punit le mal. Ici commençaient les objections sans issue. Le juste étant le favori de Dieu, l’homme injuste étant l’objet de sa haine et de son dégoût, comment se fait-il que souvent le juste soit malheureux, persécuté ? Comment se fait-il que le méchant prospère et soit, après sa mort, conduit au tombeau avec toutes les marques de l’honorabilité ? Voilà le problème qui, depuis mille ans peut-être avant Jésus-Christ jusqu’en plein moyen âge, n’a jamais cessé de troubler Israël. Et certes il y avait de quoi. L’antinomie que les sages d’Israël cherchent à dissimuler le plus qu’ils peuvent est de celles qui crèvent les yeux. La nature est l’injustice même ; la société, reflet de la nature, est, malgré les très petites réparations exercées par le sentiment de droiture qui est en l'homme, un tissu d’erreurs et de violations de la justice. S’il n’y a pas une autre vie pour réparer les iniquités de celle-ci, soutenir que Dieu est juste et ami du bien est le plus puéril des paradoxes ou la plus niaise des contrevérités.

Voilà l'idée mère, on peut le dire, de tout le mouvement hébraïque, la cause inspiratrice de toutes les révolutions qui se sont produites dans le sein du peuple d’Israël. Les sages de la vieille école soute-