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Page:Renan - Ecclesiaste - Arlea.djvu/97

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qu’il ne se produise en elle des courants latéraux. Dans cet âge d’exaltation qui s’étend de Judas Macchabée à Barkokeba, il y eut des épicuriens fort paisibles, très amortis en leur zèle pour les grands intérêts d’Israël et de l'humanité. Des groupes isolés conservaient leur liberté d’esprit. Le fanatisme des Asmonéens tomba vite. Ces sadducéens qui ne croient ni aux anges, ni aux esprits, ni à la résurrection, ces boëthusim, dont le nom était synonyme d’épicuriens, toute cette riche aristocratie de prêtres de Jérusalem, qui vivait du temple, et dont la froideur religieuse irritait si fort Jésus et les fondateurs du christianisme[1], étaient bien les frères intellectuels de notre auteur. M. Grætz a développé, avec toutes les ressources du savoir le plus profond et de l’esprit le plus ingénieux, la thèse que le Cohélet a été écrit peu d’années avant la naissance de Jésus, sous le règne d’Hérode, et que le Salomon mythique dont il y est question, c’est Hérode lui-même, Hérode arrivé à renouveler, à force de travail et d’intrigue, la grandeur légendaire du fils de David, et ne recueillant, sur la fin de sa vie, que les malédictions du peuple, les tristesses domestiques et l’ennui. Le livre serait ainsi une sorte de satire, un livre d’opposition, rempli d’allusions et de malices. A peine est-il un verset du Cohélet où M. Grætz ne voie quelque circonstance des récits de Josèphe. Par moments très séduisant, le système de M. Grætz est insoutenable dans son ensemble. Ce que le savant israélite a bien prouvé, c’est qu’on ne peut descendre trop bas quand il s’agit

  1. Voir Vie de Jésus, ch. XIII.