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Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/375

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il faisait remarquer ce que sa situation avait de particulier : tout ce qui lui arrivait était inouï ; jamais prince n’avait perdu vivant un si grand empire. Même aux jours de la plus vive angoisse, il ne changea rien à ses habitudes ; il parlait plus de littérature que de l’affaire des Gaules ; il chantait, faisait de l’esprit, allait au théâtre incognito, écrivait sous main à un acteur qui lui plaisait : « Retenir un homme si occupé ! C’est mal[1]. »

Le peu d’accord des armées de la Gaule, la mort de Vindex, la faiblesse de Galba eussent peut-être ajourné la délivrance du monde, si l’armée de Rome à son tour ne se fût prononcée. Les prétoriens se révoltèrent et proclamèrent Galba dans la soirée du 8 juin. Néron vit que tout était perdu. Son esprit faux ne lui suggérait que des idées grotesques : se revêtir d’habits de deuil, aller haranguer le peuple en cet accoutrement, employer toute sa puissance scénique pour exciter la compassion, et obtenir ainsi le pardon du passé ou, faute de mieux, la préfecture de l’Égypte. Il écrivit son discours[2] ; on lui fit remarquer qu’avant d’arriver au forum, il serait mis en pièces. Il se coucha : se réveillant au milieu de la nuit, il se trouva sans gardes ; on pillait déjà sa

  1. Suétone, Néron, 40, 42.
  2. On trouva le brouillon après sa mort. Suétone, Néron, 47.