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Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/40

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qu’un des écrits que la tradition lui attribue, c’est sûrement de l’Apocalypse, non de l’Évangile. L’Apocalypse répond bien à l’opinion tranchée qu’il semble avoir adoptée dans la lutte des judéo-chrétiens et de Paul ; l’Évangile n’y répond pas. Les efforts que firent, dès le IIIe siècle, une partie des Pères de l’Église grecque pour attribuer l’Apocalypse au Presbyteros[1], venaient de la répulsion que ce livre inspirait alors aux docteurs orthodoxes[2]. Ils ne pouvaient supporter la pensée qu’un écrit dont ils trouvaient le style barbare et qui leur paraissait tout empreint des haines juives fut l’ouvrage d’un apôtre. Leur opinion était le fruit d’une induction a priori sans valeur, non l’expression d’une tradition ou d’un raisonnement critique.

Si l’ἐγὼ Ἰωάννης du premier chapitre de l’Apocalypse est sincère, l’Apocalypse est donc bien réellement de l’apôtre Jean. Mais l’essence des apocalypses est d’être pseudonymes. Les auteurs des apocalypses de Daniel, d’Hénoch, de Baruch, d’Esdras, se présentent comme étant Daniel, Hénoch, Baruch, Esdras, en personne. L’Église du IIe siècle admettait sur le même pied que l’Apocalypse de Jean une Apocalypse

  1. Denys d’Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., VII, 25 ; Eusèbe, H. E., III, 39 ; saint Jérôme, De viris ill., 9.
  2. Vie de Jésus, 13e édit., p. 297, note 3, et ci-après, p. 460.