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Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/43

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supposant, avec M. Scholten, l’apôtre Jean mort au commencement de l’an 69 (ce qui ne paraît pas conforme à la vérité), on ne sort guère d’embarras. Le livre, en effet, est écrit comme si le révélateur était encore vivant ; il est destiné à être répandu sur-le-champ dans les Églises d’Asie ; si l’apôtre eût été mort, la supercherie était trop évidente. Qu’eût-on dit à Éphèse, vers février 69, en recevant un pareil livre comme censé provenir d’un apôtre qu’on savait bien ne plus exister, et que, selon M. Scholten, on n’avait jamais vu ?

L’examen intrinsèque du livre, loin d’infirmer cette hypothèse, l’appuie fortement. Jean l’apôtre paraît avoir été, après Jacques, le plus ardent des judéo-chrétiens ; l’Apocalypse, de son côté, respire une haine terrible contre Paul et contre ceux qui se relâchaient dans l’observance de la loi juive. Le livre répond à merveille au caractère violent et fanatique qui paraît avoir été celui de Jean[1]. C’est bien là l’œuvre du « fils du tonnerre », du terrible boanerge, de celui qui ne voulait pas qu’on usât du nom de son maître si on n’appartenait au cercle le plus étroit des disciples, de celui qui, s’il l’avait pu, aurait fait pleuvoir le feu et le soufre sur les

  1. Voir ci-dessous, p. 347-348.