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Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/618

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une primauté dans son Église ; 2o cette primauté a dû se transmettre aux successeurs de Pierre ; 3o les successeurs de Pierre sont les évêques de Rome, Pierre, après avoir résidé à Jérusalem, puis à Antioche, étant venu définitivement fixer son séjour à Rome. — Ébranler ce dernier fait, c’était donc renverser de fond en comble l’édifice de la théologie romaine. On y dépensa beaucoup de savoir ; on montra que la tradition romaine n’était pas appuyée sur des témoignages directs bien solides ; mais on traita légèrement les preuves indirectes ; on s’engagea surtout dans une voie fâcheuse à propos du passage I Petri, v, 13. Que Βαϐυλών en ce passage désigne réellement Babylone sur l’Euphrate, c’est là une thèse insoutenable, d’abord parce que vers cette époque « Babylone », dans le style secret des chrétiens, désigne toujours Rome ; en second lieu, parce que le christianisme au ier siècle sortit à peine de l’empire romain et se répandit fort peu chez les Parthes.

Pour nous, la question a bien moins d’importance qu’elle n’en avait pour les premiers protestants[1], et elle est plus facile à résoudre avec impartialité. Nous ne croyons nullement que Jésus ait eu le dessein d’établir un chef dans son Église, ni surtout d’attacher cette primauté à la succession épiscopale d’une ville déterminée. L’épiscopat, d’abord, n’existait guère dans la pensée de Jésus ; en outre, s’il fut une ville au monde, parmi celles dont Jésus connut le nom, à laquelle il ne pensa pas pour y attacher la série des chefs de son Église, c’est sans doute Rome. On lui eût probablement fait horreur, si on lui eût dit que cette ville de

  1. La dernière et la plus savante forme des doutes protestants sur ce point se trouve dans les deux essais de M. Lipsius : Chronologie der rœmischen Bischöfe bis zur Mitte des vierten Jahrhunderts (Kiel, 1869) Die Quellen der rœmischen Petrussage (Kiel, 1872).