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Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/69

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dans ce cas. Quand on apprit que l’atroce exécution allait avoir lieu, le sentiment de justice qui dort sous la conscience du peuple le plus avili se révolta. Il y eut une émeute ; mais le sénat et l’empereur décidèrent que la loi devait avoir son cours[1].

Peut-être parmi ces quatre cents innocents, immolés en vertu d’un droit odieux, y avait-il plus d’un chrétien. On avait touché le fond de l’abîme du mal ; on ne pouvait plus que remonter. Des faits moraux d’une nature singulière se passaient jusque dans les rangs les plus élevés de la société[2]. Quatre ans auparavant, on s’était fort entretenu d’une dame illustre, Pomponia Græcina, femme d’Aulus Plautius, le premier conquérant de la Bretagne[3]. On l’accusait de « superstition étrangère ». Elle était toujours vêtue de noir et ne sortait pas de son austérité. On attribuait bien cette mélancolie à d’horribles souvenirs, surtout à la mort de Julie, fille de Drusus, son amie intime, que Messaline avait fait périr ; un de ses fils paraît aussi avoir été victime d’une des monstruosités les plus énormes de Néron[4] ; mais il était clair que Pomponia

  1. Tac., Ann., XIV, 42 et suiv.
  2. Tertullien, Apolog., 1.
  3. Voir Borghesi. Œuvres compl., t. II, p. 17-27 ; Ovide, Pontiques, I, vi ; II, vi ; IV, ix. Cf. Tacite, Agricola, 4.
  4. Suétone, Néron, 35.