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Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/109

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forment une montagne compacte, ou pour mieux dire une longue terrasse très-élevée, qui, depuis Césarée de Philippe, court indéfiniment vers le sud.

La chaleur sur les bords est maintenant très-pesante. Le lac occupe une dépression de deux cents mètres au-dessous du niveau de la Méditerranée, et participe ainsi des conditions torrides de la mer Morte. Une végétation abondante tempérait autrefois ces ardeurs excessives ; on comprendrait difficilement qu’une fournaise comme est aujourd’hui tout le bassin du lac, à partir du mois de mai, eût jamais été le théâtre d’une prodigieuse activité. Josèphe, d’ailleurs, trouve le pays fort tempéré. Sans doute il y a eu ici, comme dans la campagne de Rome, quelque changement de climat, amené par des causes historiques. C’est l’islamisme, et surtout la réaction musulmane contre les croisades, qui ont desséché, à la façon d’un vent de mort, le canton préféré de Jésus. La belle terre de Génésareth ne se doutait pas que sous le front de ce pacifique promeneur s’agitaient ses destinées. Dangereux compatriote, Jésus a été fatal au pays qui eut le redoutable honneur de le porter. Devenue pour tous un objet d’amour ou de haine, convoitée par deux fanatismes rivaux, la Galilée devait, pour prix de sa gloire, se changer en désert. Mais qui voudrait dire que Jésus eût été plus heureux, s’il eût vécu un plein âge d’homme, obscur en son village ? Et ces ingrats Nazaréens, qui penserait à eux, si, au risque de compro-