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Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/129

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la satisfaction de ses besoins, avait pour première règle de regarder les soucis de la vie comme un mal qui étouffe en l’homme le germe de tout bien. Chaque jour, elle demandait à Dieu le pain du lendemain. A quoi bon thésauriser ? Le royaume de Dieu va venir. « Vendez ce que vous possédez et donnez-le en aumône, disait le maître. Faites-vous au ciel des sacs qui ne vieillissent pas, des trésors qui ne se dissipent pas. » Entasser des économies pour des héritiers qu’on ne verra jamais, quoi de plus insensé ? Comme exemple de la folie humaine, Jésus aimait à citer le cas d’un homme qui, après avoir élargi ses greniers et s’être amassé du bien pour de longues années, mourut avant d’en avoir joui ! Le brigandage, qui était très-enraciné en Galilée, donnait beaucoup de force à cette manière de voir. Le pauvre, qui n’en souffrait pas, devait se regarder comme le favori de Dieu, tandis que le riche, ayant une possession peu sûre, était le vrai déshérité. Dans nos sociétés établies sur une idée très-rigoureuse de la propriété, la position du pauvre est horrible ; il n’a pas à la lettre sa place au soleil. Il n’y a de fleurs, d’herbe, d’ombrage que pour celui qui possède la terre. En Orient, ce sont là des dons de Dieu, qui n’appartiennent à personne. Le propriétaire n’a qu’un mince privilège ; la nature est le patrimoine de tous.

Le christianisme naissant, du reste, ne faisait en ceci que suivre la trace des esséniens ou thérapeutes et des