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Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/137

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le monde, les riches, les puissants. Le luxe y est présenté comme un crime. Le « fils de l’homme, » dans cette Apocalypse bizarre, détrône les rois, les arrache à leur vie voluptueuse, les précipite dans l’enfer. L’initiation de la Judée à la vie profane, l’introduction récente d’un élément tout mondain de luxe et de bien-être, provoquaient une furieuse réaction en faveur de la simplicité patriarcale. « Malheur à vous qui méprisez la masure et l’héritage de vos pères ! Malheur à vous qui bâtissez vos palais avec la sueur des autres ! Chacune des pierres, chacune des briques qui les composent est un péché. » le nom de « pauvre » (ébion) était devenu synonyme de « saint, » d’« ami de Dieu. » C’était le nom que les disciples galiléens de Jésus aimaient à se donner ; ce fut longtemps le nom des chrétiens judaïsants de la Batanée et du Hauran (Nazaréens, Hébreux), restés fidèles à la langue comme aux enseignements primitifs de Jésus, et qui se vantaient de posséder parmi eux les descendants de sa famille. A la fin du deuxième siècle, ces bons sectaires, demeurés en dehors du grand courant qui avait emporté les autres Églises, sont traités d’hérétiques (ébionites), et on invente pour expliquer leur nom un prétendu hérésiarque Ébion.

On entrevoit sans peine, en effet, que ce goût exagéré de pauvreté ne pouvait être bien durable. C’était là un de ces éléments d’utopie comme il s’en mêle toujours aux grandes fondations, et dont le temps fait jus-