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Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/181

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généalogies fictives que ses partisans imaginèrent pour prouver sa descendance royale ? Sut-il quelque chose des légendes inventées pour le faire naître à Bethléhem, et en particulier du tour par lequel on rattacha son origine bethléhémite au recensement qui eut lieu par l’ordre du légat impérial Quirinius ? On l’ignore. L’inexactitude et les contradictions des généalogies portent à croire qu’elles furent le résultat d’un travail populaire s’opérant sur divers points, et qu’aucune d’elles ne fut sanctionnée par Jésus. Jamais il ne se désigne de sa propre bouche comme fils de David. Ses disciples, bien moins éclairés que lui, enchérissaient parfois sur ce qu’il disait de lui-même ; le plus souvent il n’avait pas connaissance de ces exagérations. Ajoutons que, durant les trois premiers siècles, des fractions considérables du christianisme nièrent obstinément la descendance royale de Jésus et l’authenticité des généalogies.

Sa légende était ainsi le fruit d’une grande conspiration toute spontanée et s’élaborait autour de lui de son vivant. Aucun grand événement de l’histoire ne s’est passé sans donner lieu à un cycle de fables, et Jésus n’eût pu, quand il l’eût voulu, couper court à ces créations populaires. Peut-être un œil sagace eût-il su reconnaître dès lors le germe des récits qui devaient lui attribuer une naissance surnaturelle, soit en vertu de cette idée, fort répandue dans l’antiquité, que l’homme