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Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/274

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sa mort le salut du monde ; il perdit de vue le spectacle hideux qui se déroulait à ses pieds, et, profondément uni à son Père, il commença sur le gibet la vie divine qu’il allait mener dans le cœur de l’humanité pour des siècles infinis.

L’atrocité particulière du supplice de la croix était qu’on pouvait vivre trois et quatre jours dans cet horrible état sur l’escabeau de douleur. L’hémorrhagie des mains s’arrêtait vite et n’était pas mortelle. La vraie cause de la mort était la position contre nature du corps, laquelle entraînait un trouble affreux dans la circulation, de terribles maux de tête et de cœur, et enfin la rigidité des membres. Les crucifiés de forte complexion ne mouraient que de faim. L’idée mère de ce cruel supplice n’était pas de tuer directement le condamné par des lésions déterminées, mais d’exposer l’esclave, cloué par les mains dont il n’avait pas su faire bon usage, et de le laisser pourrir sur le bois. L’organisation délicate de Jésus le préserva de cette lente agonie. Tout porte à croire qu’une syncope ou la rupture instantanée d’un vaisseau au cœur amena pour lui, au bout de trois heures, une mort subite. Quelques moments avant de rendre l’âme, il avait encore la voix forte. Tout à coup, il poussa un cri terrible, où les uns entendirent : « O Père, je remets mon esprit entre tes mains ! » et que les autres, plus préoccupés de l’accomplissement des prophéties, rendirent par ces mots : « Tout est