Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/282

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phrases de catéchisme, mais ceux qui travaillent à le continuer. La gloire éternelle, dans tous les ordres de grandeurs, est d’avoir posé la première pierre. Il se peut que, dans la « Physique » et dans la « Météorologie » des temps modernes, il ne se retrouve pas un mot des traités d’Aristote qui portent ces titres ; Aristote n’en reste pas moins le fondateur de la science de la nature. Quelles que puissent être les transformations du dogme, Jésus restera en religion le créateur du sentiment pur ; le Sermon sur la montagne ne sera pas dépassé. Aucune révolution ne fera que nous ne nous rattachions en religion à la grande ligne intellectuelle et morale en tête de laquelle brille le nom de Jésus. En ce sens, nous sommes chrétiens, même quand nous nous séparons sur presque tous les points de la tradition chrétienne qui nous a précédés.

Et cette grande fondation fut bien l’œuvre personnelle de Jésus. Pour s’être fait adorer à ce point, il faut qu’il ait été adorable. L’amour ne va pas sans un objet digne de l’allumer, et nous ne saurions rien de Jésus si ce n’est la passion qu’il inspira à son entourage, que nous devrions affirmer encore qu’il fut grand et pur. La foi, l’enthousiasme, la constance de la première génération chrétienne ne s’expliquent qu’en supposant à l’origine de tout le mouvement un homme de proportions colossales. Nos civilisations, régies par une police minutieuse, ne sauraient nous donner aucune idée de