Aller au contenu

Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par les docteurs palestiniens, qui enveloppaient dans une même malédiction « celui qui élève des porcs et celui qui apprend à son fils la science grecque. » En tout cas, elle n’avait pas pénétré dans les petites villes comme Nazareth. Même à Jérusalem, le grec était très-peu étudié ; les études grecques étaient considérées comme dangereuses et même serviles ; on les déclarait bonnes tout au plus pour les femmes en guise de parure. L’étude seule de la Loi passait pour libérale et digne d’un homme sérieux. Interrogé sur le moment où il convenait d’enseigner aux enfants « la sagesse grecque, » un savant rabbin avait répondu : « A l’heure qui n’est ni le jour ni la nuit, puisqu’il est écrit de la Loi : « Tu l’étudieras jour et nuit. »

Ni directement ni indirectement, aucun élément de doctrine profane ne parvint donc jusqu’à Jésus. Il ne connut rien hors du judaïsme ; son esprit conserva cette franche naïveté qu’affaiblit toujours une culture étendue et variée. Dans le sein même du judaïsme, il resta étranger à beaucoup d’efforts souvent parallèles aux siens. D’une part, la vie dévote des esséniens ou thérapeutes, de l’autre, les beaux essais de philosophie religieuse tentés par l’école juive d’Alexandrie, et dont Philon, son contemporain, était l’ingénieux interprète, lui furent inconnus. Les fréquentes ressemblances qu’on trouve entre lui et Philon, ces excellentes maximes d’amour de Dieu, de charité, de repos en Dieu, qui font