Aller au contenu

Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au-dessus et au-dessous de la raison, rarement dans sa moyenne voie. Jamais l’homme n’avait saisi le problème de l’avenir et de sa destinée avec un courage plus désespéré, plus décidé à se porter aux extrêmes. Ne séparant pas le sort de l’humanité de celui de leur petite race, les penseurs juifs sont les premiers qui aient eu souci d’une théorie générale de la marche de notre espèce. La Grèce, toujours renfermée en elle-même, et uniquement attentive à ses querelles de petites villes, a eu des historiens admirables ; mais, avant l’époque romaine, on chercherait vainement chez elle un système général de philosophie de l’histoire, embrassant toute l’humanité. Le Juif, au contraire, grâce à une espèce de sens prophétique, a fait entrer l’histoire dans la religion. Peut-être doit-il un peu de cet esprit à la Perse. La Perse, depuis une époque ancienne, conçut l’histoire du monde comme une série d’évolutions, à chacune desquelles préside un prophète. Chaque prophète a son règne de mille ans, et de ces âges successifs se compose la trame des événements qui préparent le règne d’Ormuzd. A la fin des temps, quand le cercle des révolutions sera épuisé, viendra le paradis définitif. Les hommes alors vivront heureux ; la terre sera comme une plaine ; il n’y aura qu’une langue, une loi et un gouvernement pour tous les hommes. Mais cet avénement sera précédé de terribles calamités. Dahak (le Satan de la Perse) rompra les fers qui l’enchaînent et