Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/89

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d’une religion dégagée de toute forme extérieure que le christianisme a séduit les âmes élevées. Le baptiste une fois emprisonné, son école fut fort amoindrie, et Jésus se trouva rendu à son propre mouvement. La seule chose qu’il dut à Jean, ce furent en quelque sorte des leçons de prédication et d’action populaire. Dès ce moment, en effet, il prêche avec beaucoup plus de force et s’impose à la foule avec autorité.

Il semble aussi que son séjour près de Jean, moins par l’action du baptiste que par la marche naturelle de sa propre pensée, mûrit beaucoup ses idées sur « le royaume du ciel. » Son mot d’ordre désormais, c’est la « bonne nouvelle, » l’annonce que le règne de Dieu est proche. Jésus ne sera plus seulement un délicieux moraliste, aspirant à renfermer en quelques aphorismes vifs et courts des leçons sublimes ; c’est le révolutionnaire transcendant, qui essaye de renouveler le monde par ses bases mêmes et de fonder sur terre l’idéal qu’il a conçu. « Attendre le royaume de Dieu » sera synonyme d’être disciple de Jésus. Ce mot de « royaume de Dieu » ou de « royaume du ciel, » ainsi que nous l’avons déjà dit, était depuis longtemps familier aux Juifs. Mais Jésus lui donnait un sens moral, une portée sociale que l’auteur même du livre de Daniel, dans son enthousiasme apocalyptique avait à peine osé entrevoir.

Dans le monde tel qu’il est, c’est le mal qui règne.