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Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/230

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les classes humiliées par les orthodoxes, et s’exposer de la sorte aux plus vifs reproches des dévots.

Ces nombreuses conquêtes, Jésus les devait au charme infini de sa personne et de sa parole. Un mot pénétrant, un regard tombant sur une conscience naïve, qui n’avait besoin que d’être éveillée, lui faisaient un ardent disciple. Quelquefois Jésus usait d’un artifice innocent, qu’employa aussi Jeanne d’Arc. Il affectait de savoir sur celui qu’il voulait gagner quelque chose d’intime, ou bien il lui rappelait une circonstance chère à son cœur. C’est ainsi qu’il toucha Nathanaël, Pierre, la Samaritaine. Dissimulant la vraie cause de sa force, je veux dire sa supériorité sur ce qui l’entourait, il laissait croire, pour satisfaire les idées du temps, idées qui d’ailleurs étaient pleinement les siennes, qu’une révélation d’en haut lui découvrait les secrets et lui ouvrait les cœurs. Tous pensaient qu’il vivait dans une sphère supérieure à celle de l’humanité. On disait qu’il conversait sur les montagnes avec Moïse et Élie ; on croyait que, dans ses moments de solitude,