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Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/479

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admis à dire qu’il a horreur du sang, quand il le fait verser par ses valets.

Ce ne furent donc ni Tibère ni Pilate qui condamnèrent Jésus. Ce fut le vieux parti juif ; ce fut la loi mosaïque. Selon nos idées modernes, il n’y a nulle transmission de démérite moral du père au fils ; chacun ne doit compte à la justice humaine et à la justice divine que de ce qu’il a fait. Tout juif, par conséquent, qui souffre encore aujourd’hui pour le meurtre de Jésus a droit de se plaindre ; car peut-être eût-il été Simon le Cyrénéen ; peut-être au moins n’eût-il pas été avec ceux qui crièrent : « Crucifiez-le ! » Mais les nations ont leur responsabilité comme les individus. Or si jamais crime fut le crime d’une nation, ce fut la mort de Jésus. Cette mort fut « légale » en ce sens qu’elle eut pour cause première une loi qui était l’âme même de la nation. La loi mosaïque, dans sa forme moderne, il est vrai, mais acceptée, prononçait la peine de mort contre toute tentative pour changer le culte établi. Or, Jésus, sans nul doute, attaquait ce culte et aspirait à le détruire. Les Juifs le dirent à Pilate avec une franchise simple et vraie : « Nous avons une Loi, et selon cette Loi il doit mourir ; car il s’est fait Fils de Dieu. » La loi était détestable ;