Aller au contenu

Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/521

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

parmi les accidents nerveux, peu importe. Les mots de sain et de malade sont tout relatifs. Qui n’aimerait mieux être malade comme Pascal que bien portant comme le vulgaire ? Les idées étroites qui se sont répandues de nos jours sur la folie égarent de la façon la plus grave nos jugements historiques dans les questions de ce genre. Un état où l’on dit des choses dont on n’a pas conscience, où la pensée se produit sans que la volonté l’appelle et la règle, expose maintenant un homme à être séquestré comme halluciné. Autrefois, cela s’appelait prophétie et inspiration. Les plus belles choses du monde se sont faites à l’état de fièvre ; toute création éminente entraîne une rupture d’équilibre, un état violent pour l’être qui la tire de lui.

Certes, nous reconnaissons que le christianisme est une œuvre trop complexe pour avoir été le fait d’un seul homme. En un sens, l’humanité entière y collabora. Il n’y a pas de monde si muré qui ne reçoive quelque vent du dehors. L’histoire de l’esprit humain est pleine de synchronismes étranges, qui font que, sans avoir communiqué entre elles, des fractions fort éloignées de l’espèce humaine arrivent en même temps à des idées et à des imaginations presque identiques. Au XIIIe siècle, les Latins, les Grecs, les Syriens, les Juifs, les Musulmans font de la scolastique, et à