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Page:Renan - Lettres du séminaire, 1838-1846.djvu/180

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Vraiment, ma pauvre mère, c’est bien mal à moi de vous avoir écrit avec de l’encre si blanche. Cette fois-ci au moins, je pense que vous pourrez lire ma lettre. Du reste, ma chère maman, je n’ai pas grande nouvelle à vous annoncer. Les événements ne sont pas fréquents à Issy c’est le type d’une vie pacifique, d’autant plus que nous sommes peu nombreux, ce qui donne à la vie quelque chose de plus calme et aussi de plus agréable. Si vous voulez toutefois des nouvelles, je vous dirai que nous avons les oreilles charmées par les concerts qui traversent le village dans tous les sens, à la fête des conscrits, qui, tout couverts de rubans, sont les rois de la fête. C’est singulier, nous entendons ici cent fois plus de bruit qu’à Paris ; dans la maison, s’entend car au fond du parc on croirait être au fond d’un désert, mais du désert le plus gracieux. Autre nouvelle l’autre jour, tout le monde était en grand émoi ; un des petits poissons dorés qui peuplent notre pièce d’eau était mort, et montrait à la surface de l’onde son cadavre flottant. « Avez-vous vu le poisson mort ? » se demandait-on avec