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Page:Renan - Lettres du séminaire, 1838-1846.djvu/226

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même, me revient sans cesse ; oh ! ma chère maman, assurez-moi que bientôt nous en jouirons encore. Il n’y a aucun sacrifice qui puisse me coûter, quand il s’agira de me procurer un pareil bonheur. Toute ma joie, chère maman, est de vous rendre heureuse ; si je n’ai pas fait tout ce qui dépendait de moi pour vous procurer tout le contentement possible, oh ! soyez sûre au moins que je n’avais pas de volonté plus arrêtée ni de désir plus ardent.

Je n’ai bien senti, chère maman, tout ce que j’avais perdu en vous quittant, que dans le cours de ce triste voyage, où chaque pas m’éloignait de tout ce que j’ai de plus cher. Les embarras inséparables d’un départ nous avaient tellement étourdis qu’à peine nous avons pu nous embrasser à notre aise. Fallait-il que nous fussions privés de cette dernière consolation, de passer au moins paisiblement ensemble nos dernières heures de bonheur ! Mais c’est quand je me suis vu emporté loin de ma mère chérie, quand j’ai dit adieu à notre terre de Bretagne, quand je me suis vu lancé dans un monde nouveau,