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Page:Renan - Lettres du séminaire, 1838-1846.djvu/251

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le vide que mon cœur éprouve depuis qu’il est sevré des douceurs qu’il goûtait auprès de vous ? Vous seule, chère maman, savez jeter quelque charme sur le sérieux de ma vie ; en vous perdant, j’ai perdu tout ce qui me la rendait douce et aimable. Jamais je n’ai éprouvé un serrement de cœur comparable à celui que j’ai éprouvé quand je me suis vu seul, isolé, jeté de nouveau dans une autre vie, dont je ne me plains pas sans doute, car jamais je ne me plaindrai de mon devoir, mais bien sèche et bien froide si je la compare à la vie parfaitement heureuse dont vous m’avez fait jouir. 0 bonne mère, croyez bien que si je semblais avoir hâte de revenir ici, c’est que le devoir m’y appelait ; mais je sentais bien alors, et je sens maintenant plus vivement que jamais que rien ne saurait compenser pour moi la présence de ma mère, de la meilleure et de la plus chérie des mères. Oh ! que j’achèterais cher maintenant quelques minutes de cette présence aimable, qui faisait mon bonheur ! Quand il me sera donné de nouveau d’en jouir, que je me garderai d’en laisser échapper la moindre partie ! Je me reproche presque