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Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/120

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m’étonner : l’Allemagne est la terre classique de la tranquille rêverie et des raisonnements métaphysiques. Difficilement les autres nations de l’Europe élèveront leur école philosophique à la hauteur où s’est placée l’école allemande ; son humeur contemplative, ses mœurs tranquilles, son climat même, tout tend à développer chez l’Allemand du Nord cette liberté d’esprit qui fait partie de son être et dont il jouit entièrement. Notre esprit français si vif, si aimable, si prompt à tout saisir, est généralement trop léger pour être profondément philosophe ; l’Anglais est froid, calculateur, soumettant tout au plus glacé des raisonnements ; mais l’Allemand, conservant partout sa bonhomie, même dans les questions les plus élevées, se laisse aller à sentir, à penser, à tout poétiser. Si tu continues tes études dans la langue de Kant, de Hegel, de Gœthe et de Schiller, tu trouveras bien de douces distractions dans cette littérature si riche et si variée : je ne puis saisir que des parcelles de ces richesses, mais ce peu-là m’a fait souvent bien plaisir. Malheureusement, loin d’avancer, je recule depuis mon séjour en Pologne ; nous