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Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/102

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Ainsi font-ils tous… J’ai écrit, selon quelques-unes des règles que tu aimes, ô Théonoé, la vie du jeune Dieu que je servis dans mon enfance ; ils me traitent comme un Évhémère ; ils m’écrivent pour me demander quel but je me suis proposé ; ils n’estiment que ce qui sert à faire fructifier leurs tables de trapézites. Et pourquoi écrit-on la vie des dieux, ô ciel ! si ce n’est pour faire aimer le divin qui fut en eux, et pour montrer que ce divin vit encore et vivra éternellement au cœur de l’humanité ?

» Te rappelles-tu ce jour, sous l’archontat de Dionysodore, où un laid petit Juif, parlant le grec des Syriens, vint ici, parcourut tes parvis sans te comprendre, lut tes inscriptions tout de travers et crut trouver dans ton enceinte un autel dédié à un Dieu qui serait le Dieu inconnu. Eh bien, ce petit Juif l’a emporté ; pendant mille ans, on t’a traitée d’idole, ô Vérité ; pendant mille ans, le monde a été un désert où ne germait aucune fleur. Durant ce temps, tu te taisais, ô Salpinx, clairon de la pensée. Déesse de l’ordre, image de la stabilité céleste, on était coupable pour t’aimer, et,