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Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/122

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comprit ; on enterra le saint et on bâtit son église en ce lieu.

De tels récits me donnèrent de bonne heure le goût de la mythologie. La naïveté avec laquelle on les prenait reportait à des milliers d’années en arrière. On me conta la façon dont mon père, dans son enfance, fut guéri de la fièvre. Le matin, avant le jour, on le conduisit à la chapelle du saint qui en guérissait. Un forgeron vint en même temps, avec sa forge, ses clous, ses tenailles. Il alluma son fourneau, rougit ses tenailles, et, mettant le fer rouge devant la figure du saint : « Si tu ne tires pas la fièvre à cet enfant, dit-il, je vais te ferrer comme un cheval. » Le saint obéit sur-le-champ. La sculpture en bois a été longtemps florissante en Bretagne. Ces statues de saints sont d’un réalisme étonnant ; pour des imaginations plastiques, elles vivent. Je me souviens d’un brave homme, pas beaucoup plus fou que les autres, qui s’échappait quand il pouvait, le soir. Le matin, on le trouvait dans les églises en bras de chemise, suant sang et eau. Il avait passé la nuit à déclouer les