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Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/249

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vive. L’écho des discussions passionnées du temps franchissait parfois les murs de la maison ; les discours de M. Mauguin (je ne sais pas bien pourquoi) avaient surtout le privilège d’émouvoir les jeunes. Un jour, l’un de ceux-ci lut au supérieur, M. Duclaux, un fragment de séance qui lui parut d’une violence effrayante. Le vieux prêtre, à demi plongé dans le Nirvana, avait à peine écouté. À la fin, se réveillant et serrant la main du jeune homme : « On voit bien, mon ami, lui dit-il, que ces hommes-là ne font pas oraison. » Le mot m’est dernièrement revenu à l’esprit, à propos de certains discours. Que de choses expliquées par ce fait que probablement M. Clémenceau ne fait pas oraison !

Ces vieux sages consommés ne s’émouvaient de rien. Le monde était pour eux un orgue de barbarie qui se répète. Un jour, on entendit quelque bruit sur la place Saint-Sulpice : « Allons à la chapelle mourir tous ensemble, » s’écria l’excellent M. ***, prompt à s’enflammer. ― « Je n’en vois pas la nécessité, » répondit M. ***, plus calme, plus prémuni contre les