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Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/314

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rue de Vaugirard, qui, une fois par semaine, nous menait à Issy. Je parlais extrêmement peu. Ces messieurs, pendant tout ce temps, furent pour moi d’une bonté extrême. Mon caractère doux et mes habitudes studieuses, mon silence, ma modestie leur plurent, et je crois que plusieurs d’entre eux firent tout bas la réflexion que me communiqua M. Carbon : « Voilà pour nous un futur bon confrère. » Le 29 mars 1844, j’écrivais à un de mes amis de Bretagne, alors au séminaire de Saint-Brieuc :

Je me trouve fort bien ici. Le ton de la maison est excellent, également éloigné de la rusticité, d’un égoïsme grossier et de l’afféterie. On se connaît peu, et le cœur est un peu à froid ; mais les conversations sont dignes et élevées ; il s’y mêle peu de banalités et de commérages. On chercherait en vain entre les directeurs et les élèves la cordialité ; c’est là une plante qui ne croît guère qu’en Bretagne ; mais les directeurs ont un certain esprit large et bon, qui plaît et convient parfaitement à l’état moral des jeunes gens tels qu’ils leur arrivent. Leur gouvernement est à peine sensible : c’est la maison qui marche, ce ne sont pas eux qui la conduisent. Le règlement, les usages et l’esprit de la maison font tout ; les hommes sont passifs, ils sont là seulement pour conserver. C’est une machine bien