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Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/328

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l’esprit critique. Je regrettais par moments de n’être pas protestant, afin de pouvoir être philosophe sans cesser d’être chrétien. Puis je reconnaissais qu’il n’y a que les catholiques qui soient conséquents. Une seule erreur prouve qu’une Église n’est pas infaillible ; une seule partie faible prouve qu’un livre n’est pas révélé. En dehors de la rigoureuse orthodoxie, je ne voyais que la libre pensée à la façon de l’école française du XVIIIe siècle. Mon initiation aux études allemandes me mettait ainsi dans la situation la plus fausse ; car, d’une part, elle me montrait l’impossibilité d’une exégèse sans concessions ; de l’autre, je voyais parfaitement que ces messieurs de Saint-Sulpice avaient raison de ne pas faire de concessions, puisqu’un seul aveu d’erreur ruine l’édifice de la vérité absolue et la ravale au rang des autorités humaines, où chacun fait son choix, selon son goût personnel.

Dans un livre divin, en effet, tout est vrai, et, deux contradictoires ne pouvant être vraies à la fois, il ne doit s’y trouver aucune contra-