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Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/360

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breu ne sert de rien pour cela. Mais quel bon, grand et noble cœur ! J’ai là sous mes yeux un petit billet de sa main : « Avez-vous besoin de quelque argent ? Ce serait tout simple dans votre situation. Ma pauvre bourse est à votre disposition. Je voudrais pouvoir vous offrir des biens plus précieux… Mon offre, toute simple, ne vous blessera pas, j’espère. » Je le remerciai, et n’eus à cela aucun mérite. Ma sœur Henriette m’avait donné douze cents francs pour traverser ce moment difficile. Je les entamai à peine. Mais cette somme, en m’enlevant l’inquiétude immédiate pour le lendemain, fut la base de l’indépendance et de la dignité de toute ma vie.

Je descendis donc, pour ne plus les remonter en soutane, les marches du séminaire Saint-Sulpice, le 6 octobre 1845 ; je traversai la place au plus court et gagnai rapidement l’hôtel qui occupait alors l’angle nord-ouest de l’esplanade actuelle, laquelle n’était pas encore dégagée.