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Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/391

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d’anticléricalisme après la Vie de Jésus, quelle n’eût pas été ma popularité ! La foule aime le style voyant. Il m’eût été loisible de ne pas me retrancher ces pendeloques et ces clinquants qui réussissent chez d’autres et provoquent l’enthousiasme des médiocres connaisseurs, c’est-à-dire de la majorité. J’ai passé un an à éteindre le style de la Vie de Jésus, pensant qu’un tel sujet ne pouvait être traité que de la manière la plus sobre et la plus simple. Or on sait combien la déclamation a d’attrait pour les masses. Je n’ai jamais forcé mes opinions pour me faire écouter. Ce n’est pas ma faute si, par suite du mauvais goût du temps, un filet de voix claire a retenti au milieu de notre nuit comme répercuté par mille échos.

3. ― Sur le chapitre de la politesse, je trouverai moins d’objections que sur celui de la modestie ; car, à s’en tenir aux apparences, j’ai été beaucoup plus poli que modeste. La civilité extrême de mes vieux maîtres m’avait laissé un si vif souvenir, que je n’ai jamais pu m’en détacher. C’était la vraie civilité française,