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Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/62

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tourelle, deux ou trois fenêtres bien bâties, presque comme des fenêtres d’église, indiquaient une demeure noble, un de ces vieux castels qui étaient habités avant la Révolution par une classe de personnes dont il est maintenant impossible de se figurer le caractère et les mœurs.

» Ces nobles de campagne étaient des paysans comme les autres, mais chefs des autres. Anciennement il n’y en avait qu’un dans chaque paroisse : ils étaient les têtes de colonne de la population ; personne ne leur contestait ce droit, et on leur rendait de grands honneurs[1]. Mais déjà, vers le temps de la Révolution, ils étaient devenus rares. Les paysans les tenaient pour les chefs laïques de la paroisse, comme le curé était le chef ecclésiastique. Celui de Trédarzec, dont je te parle, était un beau vieillard, grand et vigoureux comme un jeune homme, à la figure franche et loyale. Il portait les cheveux longs relevés par un peigne, et ne les laissait

  1. Quels beaux chefs de Landwehr ces gens-là eussent fait ! On ne remplacera pas cela.