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Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/114

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de l’interprétation du goût, qu’il faut les solliciter doucement jusqu’à ce qu’ils arrivent à se rapprocher et à fournir un ensemble où toutes les données soient heureusement fondues. Serait-on sûr alors d’avoir, trait pour trait, la statue grecque ? Non ; mais on n’en aurait pas du moins la caricature : on aurait l’esprit général de l’œuvre, une des façons dont elle a pu exister.

Ce sentiment d’un organisme vivant, on n’a pas hésité à le prendre pour guide dans l’agencement général du récit. La lecture des Évangiles suffirait pour prouver que leurs rédacteurs, quoique ayant dans l’esprit un plan très-juste de la vie de Jésus, n’ont pas été guidés par des données chronologiques bien rigoureuses ; Papias, d’ailleurs, nous l’apprend expressément, et appuie son opinion d’un témoignage qui paraît émaner de l’apôtre Jean lui-même[1]. Les expressions : « En ce temps-là », « Après cela ». « Alors », « Et il arriva que… », etc., sont de simples transitions destinées à rattacher les uns aux autres les différents récits. Laisser tous les renseignements fournis par les Évangiles dans le désordre où la tradition nous les donne, ce ne serait pas plus écrire l’histoire de Jésus qu’on n’écrirait l’histoire d’un

  1. Dans Eusèbe, Hist. eccl., III. 39.