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Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/20

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et Polybe se sont trompés. Des raisonnements qu’on ne ferait pas quand il s’agit de littérature grecque ou latine, des hypothèses auxquelles un Boissonade ou même un Rollin ne songeraient jamais, on les trouve plausibles quand il s’agit de disculper un auteur sacré.

C’est donc l’orthodoxe qui commet une pétition de principe quand il reproche au rationaliste de changer l’histoire parce que celui-ci ne suit pas mot à mot les documents que l’orthodoxe tient pour sacrés. De ce qu’une chose est écrite, il ne suit pas qu’elle soit vraie. Les miracles de Mahomet sont écrits aussi bien que les miracles de Jésus, et certes les biographies arabes de Mahomet, celle d’Ibn-Hischam par exemple, ont un caractère bien plus historique que les Évangiles. Est-ce que nous admettons pour cela les miracles de Mahomet ? Nous suivons Ibn-Hischam avec plus ou moins de confiance, quand nous n’avons pas de raisons de nous écarter de lui. Mais, quand il nous raconte des choses tout à fait incroyables, nous ne faisons nulle difficulté de l’abandonner. Certainement, si nous avions quatre Vies de Bouddha, en partie fabuleuses, et aussi inconciliables entre elles que les quatre Évangiles le sont entre eux, et qu’un savant essayât de débarrasser les quatre récits bouddhiques de leurs contradictions, on ne reprocherait pas à ce savant de faire mentir les textes. On trouverait bon qu’il invitât les passages discordants à se rejoindre, qu’il cherchât un compromis, une sorte de récit moyen, ne renfermant rien d’impossible, où les témoignages opposés fussent balancés entre eux et violentés le moins possible. Si, après cela, les bouddhistes criaient au mensonge, à la falsification de l’histoire, on serait en droit de leur répondre : « Il ne s’agit pas d’histoire ici, et, si l’on s’est écarté parfois de vos textes, c’est la faute de ces textes,