Aller au contenu

Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/263

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

comme autant de petits mondes à part, où l’esprit national se conservait, et qui offraient aux luttes intestines des champs tout préparés. Il s’y dépensait une somme énorme de passion. Les querelles de préséance y étaient vives. Avoir un fauteuil d’honneur au premier rang était la récompense d’une haute piété, ou le privilége de la richesse qu’on enviait le plus[1]. D’un autre côté, la liberté, laissée à qui la voulait prendre, de s’instituer lecteur et commentateur du texte sacré, donnait des facilités merveilleuses pour la propagation des nouveautés. Ce fut là une des grandes forces de Jésus et le moyen le plus habituel qu’il employa pour fonder son enseignement doctrinal[2]. Il entrait dans la synagogue, se levait pour lire ; le hazzan lui tendait le livre, il le déroulait, et, lisant la parascha ou la haphtara du jour, il tirait de cette lecture quelque développement conforme à ses idées[3]. Comme il y avait peu de pharisiens en Galilée, la discussion contre lui ne prenait pas ce degré de vivacité et ce ton d’acrimonie qui, à Jérusalem, l’eussent arrêté court dès ses premiers pas. Ces bons Galiléens n’avaient jamais entendu une

  1. Matth., xxiii, 6 ; Epist. Jac., ii, 3 ; Talm. de Bab., Sukka, 51 b.
  2. Matth., iv, 23 ; ix, 35 ; Marc, i, 21, 39 ; vi, 2 ; Luc, iv, 15, 16, 31, 44 ; xiii, 10 ; Jean, xviii, 20.
  3. Luc, iv, 16 et suiv. Comp. Mischna, Joma, vii, 1.