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Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/336

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malheur, elle remplissait celui qui s’était fatigué à l’acquérir d’un ridicule orgueil. Fier du prétendu savoir qui lui avait coûté tant de peine, le scribe juif avait pour la culture grecque le même dédain que le savant musulman a de nos jours pour la civilisation européenne, et que le théologien catholique de la vieille école a pour le savoir des gens du monde. Le propre de ces cultures scolastiques est de fermer l’esprit à tout ce qui est délicat, de ne laisser d’estime que pour les difficiles enfantillages où l’on a usé sa vie et qu’on envisage comme l’occupation naturelle des personnes faisant profession de gravité[1].

Ce monde odieux ne pouvait manquer de peser fort lourdement sur l’âme tendre et la conscience droite des Israélites du Nord. Le mépris des Hiérosolymites pour les Galiléens rendait la séparation encore plus profonde. Dans ce beau temple, objet de tous leurs désirs, ils ne trouvaient souvent que l’avanie. Un verset du psaume des pèlerins[2], « J’ai choisi de me tenir à la porte dans la maison de mon Dieu, » semblait fait exprès pour eux. Un sacerdoce dédaigneux souriait de leur naïve dévotion, à peu près comme autrefois en Italie le clergé, familiarisé avec

  1. Jos., Ant., XX, xi, 2.
  2. Ps. lxxxiv (Vulg. lxxxiii), 14.