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Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/387

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Tyane et prouver que sa vie avait été le voyage d’un dieu sur la terre, on ne crut pouvoir y réussir qu’en inventant pour lui un vaste cycle de miracles[1]. Les philosophes alexandrins eux-mêmes, Plotin et les autres, sont censés en avoir fait[2]. Jésus, par conséquent, dut choisir entre deux partis, ou renoncer à sa mission, ou devenir thaumaturge. Il faut se rappeler que toute l’antiquité, à l’exception des grandes écoles scientifiques de la Grèce et de leurs adeptes romains, admettait le miracle ; que Jésus, non-seulement y croyait, mais n’avait pas la moindre idée d’un ordre naturel réglé par des lois. Ses connaissances sur ce point n’étaient nullement supérieures à celles de ses contemporains. Bien plus, une de ses opinions le plus profondément enracinées était qu’avec la foi et la prière l’homme a tout pouvoir sur la nature[3]. La faculté de faire des miracles passait pour une licence régulièrement départie par Dieu aux hommes[4], et n’avait rien qui surprît.

La différence des temps a changé en quelque

  1. Voir sa biographie par Philostrate.
  2. Voir les Vies des sophistes, par Eunape ; la Vie de Plotin, par Porphyre ; celle de Proclus, par Marinus ; celle d’Isidore attribuée à Damascius.
  3. Matth., xvii, 19 ; xxi, 21-22 ; Marc, xi, 23-24.
  4. Matth., ix, 8.