Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/606

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Jean, ait eu l’attention de ne pas nommer Jean et de le désigner d’une façon énigmatique, c’est lui prêter un artifice assez bizarre. D’un autre côté, comprend-on que, si l’auteur réel de notre Évangile a commencé par être disciple de Jean-Baptiste, il parle de ce dernier d’une façon tellement peu historique que les Évangiles synoptiques sur ce point lui soient supérieurs ?

§ 4. Le paragraphe ii, 4-12, est un récit de miracle comme il s’en trouve tant dans les synoptiques. Il y a dans l’agencement du récit un peu plus de mise en scène, quelque chose de moins naïf ; néanmoins le fond n’a rien qui sorte de la couleur générale de la tradition. Les synoptiques ne parlent pas de ce miracle ; mais il est tout naturel que, dans la riche légende merveilleuse qui circulait, les uns connussent un trait, les autres un autre. L’explication allégorique, fondée principalement sur le verset 10, et d’après laquelle l’eau et le vin seraient l’ancienne et la nouvelle alliance, prête, je crois, à l’auteur une pensée qu’il n’avait pas. Le verset 11 prouve qu’aux yeux de ce dernier, tout le récit n’a qu’un but : manifester la puissance de Jésus. La mention de la petite ville de Cana et du séjour qu’y fait la mère de Jésus n’est pas à négliger. Si le miracle de l’eau changée en vin avait été inventé par l’auteur du quatrième Évangile, comme le supposent les adversaires de la valeur historique dudit Évangile, pourquoi ce trait ? Les versets 11 et 12 font une bonne suite de faits. Qu’importaient de pareilles circonstances topographiques à des chrétiens helléniques du iie siècle ? Les Évangiles apocryphes ne procèdent pas comme cela. Ils sont vagues, sans circonstances locales, faits par des gens et pour des gens qui ne se soucient pas de la Palestine. Ajoutons qu’ailleurs notre évangéliste parle encore de Cana de Gali-